Connaître ses limites

Bien sûr qu’il faut de la confiance pour se placer devant la cible de son ou de sa partenaire. De la confiance en l’autre, mais aussi en soi-même. Il faut être sûr·e que l’on saura supporter la pression et garder la tête froide. Nous savons ce que nous faisons, nous connaissons nos limites. Nos nombreuses années de pratique nous permettent de savoir très précisément où s’arrête l’habileté et où commence le risque. 

Nous avons grandi en nous exerçant ensemble. Je connais les capacités de mon partenaire et j’ai une totale confiance en lui. Nous nous sommes connus lorsque j’avais 14 ans et lui 16 — et trois ans plus tard, nous formions un couple à la ville comme sur la piste. Depuis, 23 ans se sont écoulés, et le terme «confiance» est loin d’exprimer tout ce qui nous lie l’un à l’autre.

Mais plus généralement, dans notre métier, c’est en beaucoup de choses et beaucoup de gens qu’il faut pouvoir avoir confiance. Le partenaire, bien sûr, mais aussi le matériel, et les techniciens qui travaillent avec nous et pour nous, s’occupant à la fois de l’assistance sur scène, du son et de l’éclairage: ici, tout doit être parfaitement synchronisé et se dérouler à la perfection. Nous n’avons pas droit à l’erreur.

La personne qui joue le rôle de la «cible» contribue elle aussi à cette perfection: je ne veux pas distraire mon partenaire en bougeant. Il faut qu’il se concentre sur ce qu’il fait: au moment où il lance le couteau, il ne doit absolument pas être distrait. Il doit se concentrer sur le manche du couteau, sur la puissance de la rotation qu’il faut lui donner pour le faire aller exactement là où il veut (et où je veux!) qu’il aille. 

Nous ne parlons jamais de ce qui se passerait s’il arrivait quelque chose, et ce n’est pas juste parce que c’est un tabou chez les artistes. C’est surtout parce que c’est inutile.