La responsabilité vers les autres

05.12.2022
4/2022

Après presque 60 années passées à accompagner professionnellement, puis bénévolement des personnes proches de la mort et des familles en deuil, j’ai pu voir l’importance essentielle de la responsabilité et de l’engagement dans ce domaine.

Lorsqu’on vit ses derniers jours ou que l’on se sent terrassé par le deuil, pouvoir compter sur des personnes engagées et responsables est ce qui peut permettre de trouver les ressources nécessaires pour faire face à ces moments cruciaux.

Lorsqu’on est au cœur de ces moments de grande vulnérabilité et d’impuissance, l’engagement personnel de ceux qui accompagnent est capital. C’est par cette «force» que procurent l’engagement et le sens de la responsabilité envers l’autre que le respect et la dignité de ceux que l’on sert peuvent être assurés.

«Pouvoir faire confiance», pouvoir lâcher prise des soucis, des détails du quotidien, pour donner toute son énergie à ces évènements si uniques que le mourant et ses proches sont appelés à vivre, c’est irremplaçable et cela exige des intervenants; ce sens aigu des responsabilités et cet engagement qui continue, même lorsqu’on aurait envie de fuir, parce que la souffrance de l’autre nous touche et nous interpelle.

«Prendre la responsabilité», s’engager cela exige une cohérence intérieure à maintenir un investissement personnel dans des valeurs essentielles. La difficulté, parfois, c’est de partager cet engagement, cette responsabilité avec d’autres, et d’agir avec la plus grande harmonie possible, car les moindres conflits dans l’équipe des soignants, des accompagnants et des proches sont ressentis douloureusement par ceux qui sont tellement vulnérables alors qu’ils traversent les grandes crises de la vie!

Etre engagé, responsable, sans jamais vouloir contrôler l’autre ou l’influencer, c’est l’une des difficultés principales pour les accompagnants en étant à l’écoute sans projet, disponible, capable d’adaptation constante aux besoins et désirs changeants de ceux que l’on accompagne, en se livrant tout entier à l’expérience, sans vouloir la diriger.

On peut contrôler soi-même, on peut coordonner les interventions des différents soignants et accompagnants, mais on est là pour accepter et soutenir ceux qu’on accompagne même lorsqu’on ne partage pas leurs décisions. C’est une posture difficile pour des gens engagés et responsables, c’est presque un paradoxe, et pourtant c’est le cœur de l’accompagnement, ce n’est qu’à cette condition que l’on peut être utile et respectueux de l’éthique de l’accompagnement. Responsable, engagé et totalement ouvert et respectueux de la volonté «de l’autre», celui ou celle que l’on sert, c’est un magnifique défi. Comme l’écrit l’auteur Ian Renaud: «La qualité de notre vie est directement proportionnelle à l’intensité de nos engagements.» La recherche dans ce domaine lui donne raison, puisqu’il semble que «plus une personne est capable d’engagement, plus est grand son niveau de bien-être personnel et plus elle se considère comme ‹heureuse›»!

Rosette Poletti
Infirmière et écrivaine