Le leadership narratif

26.09.2023
3/2023
Pascal Geissbühler
Directeur
Biographis

«Chaque être s’invente un jour ou l’autre une histoire qu’il prend pour sa vie.» Cette citation de Max Frisch est plus actuelle que jamais. Pourquoi?

Parce que le «New Work» est en plein boom. Les nouvelles générations réclament des modes de travail collaboratifs et participatifs. L’esprit d’équipe l’emporte sur la performance individuelle. L’auto-organisation des individus et des équipes remplace les hiérarchies classiques.

Le leadership devient ainsi une attitude et une compétence pour tout un chacun. De plus, le rythme du changement s’accélère. Que reste-t-il lorsque tout change? Des emplois, des équipes, des organisations? La réponse est simple: il reste le soi, l’être humain avec son ambivalence, ses doutes, ses ambiguïtés, sa créativité et aussi… ses histoires.

Comme nous l’enseigne le constructivisme social, la formation de notre identité est caractérisée par des narrations, des récits que nous nous inventons sans cesse et que nous continuons à écrire tout au long de notre vie. Bien entendu, chaque individu est bien plus que les histoires qu’il se raconte et qu’il vit. Mais celles-ci influencent et contribuent à notre quête de repères et d’identité. Les hauts et les bas, les conflits et les obstacles, les revirements. Tous ces événements en disent long sur nous, notre personnalité, nos forces et nos ressources.

Dès lors, si nous considérons que le leadership est une attitude qui nous concerne tous, cela permettra de nous sensibiliser à notre devenir («becoming») et à nos histoires. Comment sommes-nous devenus qui nous sommes? Qui voulons-nous être? Qu’est-ce qui nous motive? Ces histoires de vie (au pluriel, car nous sommes bien plus qu’un récit) pourraient nous aider à comprendre comment nous voulons vivre le leadership et quel voyage nous voulons entreprendre ensemble.

Nous perdrons ainsi moins de temps à débattre des styles de leadership et de la façon dont nous dirigeons.

Nous prendrons plutôt conscience de nos motivations, valeurs, forces et objectifs en tant qu’individus et en tant que collectivité. Et par conséquent, de nos narrations individuelles et collectives. La question de l’adéquation, de l’alignement entre la personne, l’équipe et l’organisation devient cruciale – en restant dans le contexte des prestations factuelles, des valeurs que nous désirons créer. En effet, les histoires fortes reposent sur des faits et des émotions.

Nous développons ainsi notre perception de nous-mêmes en tant que leaders et en tant que personnes, notre capacité à remettre en question nos convictions, à démasquer les fictions et les tromperies. Elles nous offrent de nouvelles opportunités et perspectives, et même peut-être de nouvelles inventions et de nouveaux mythes productifs.

Ma réponse à Max Frisch est la suivante: «Si l’on veut trouver son chemin et l’indiquer aux autres, il faut avoir une histoire pour laquelle la vie mérite d’être vécue.»