Un modèle se doit d’être persévérant

26.09.2023
3/2023

Je n’ai jamais rencontré Bruno Manser. Je me réjouis néanmoins chaque jour de poursuivre sa cause et de diriger le Bruno Manser Fonds, qu’il a créé de son vivant, même si c’est une tâche exigeante.

Bruno Manser n’est pourtant pas véritablement mon modèle.

Il ne voulait d’ailleurs pas en être un, ce n’était pas sa mission. C’est plutôt l’inverse: après ses premiers voyages en Malaisie, dans les forêts du Sarawak sur l’île de Bornéo, le Bâlois a pris pour modèle le mode de vie des indigènes, qui l’avaient si bien accueilli.

Fasciné par les Penan, un peuple nomade qui vit dans la forêt tropicale et subsiste grâce à ses ressources, Bruno Manser a ensuite consacré sa vie à la lutte contre le déboisement.

Ce qui m’impressionne, moi qui suis un défenseur de l’environnement de la nouvelle génération, c’est la rapidité avec laquelle Bruno Manser a appris à utiliser son rôle de marginal au profit de ses amis. Mais aussi la persévérance dont il a fait preuve pour poursuivre la mission qu’il s’était lui-même fixée. Grâce à des interventions publiques et des actions spectaculaires, il a attiré, à l’échelle mondiale, l’attention sur la cause des Penan, ce que ce peuple n’aurait jamais obtenu sans aide extérieure.

Bruno Manser a beaucoup appris de ce peuple, mais les Penan ont également beaucoup appris de lui. Ils ont trouvé des moyens pour démontrer leur droit sur la forêt et le faire valoir légalement. Aujourd’hui, quelque 12 000 Penan vivent encore dans la forêt tropicale du Sarawak, dont 95% ont été défrichés. Nous nous efforçons de les soutenir dans leur long combat pour la préservation des dernières forêts tropicales.

Bruno Manser a disparu dans la forêt du Sarawak en 2000, après être retourné en Malaisie alors que sa tête avait été mise à prix.

Sa ténacité est un modèle pour notre équipe, dans la mesure où nous ne nous laissons pas intimider par le pouvoir et l’argent. Aujourd’hui, le combat de Bruno Manser se poursuit dans l’arène judiciaire: nous devons montrer que la justice ne peut être achetée par ceux qui ont les moyens de payer des procès coûteux. Sur ce terrain également, il n’y a point de victoire sans persévérance.

Lukas Straumann
Le directeur du